LES REFLEXES CONDITIONNELS ET LE CONDITIONNEMENT
Freiner en arrivant près d'un feu rouge au volant de sa voiture, maintenir son équilibre sur une bicyclette et même tendre la main pour saluer un ami sont des réactions le plus souvent involontaires, provoquées par un stimulus extérieur: il s'agit encore d'activité réflexe. Mais ces comportements ne sont pas innés. Acquis par apprentissage au hasard des circonstances ou grâce à des « leçons », ils ont parfois exigé un gros effort d'attention et de volonté. Avant de devenir des « réflexes », ils ont nécessité un apprentissage, véritable conditionnement de l'individu, et sont appelés réflexes conditionnels.
A. Le conditionnement de type « pavlovien » ou «répondant»
L'évocation d'un mets savoureux fait venir « l'eau à la bouche ». Il s'agit d'une abondante sécrétion salivaire, inutile puisqu'il n'y a pas d'aliments dans la bouche. Comment peut-on expliquer un tel phénomène?
Les travaux de Pavlov, réalisés en 1902, permettent de le comprendre.
1. Expérience de conditionnement
Pavlov utilise le dispositif expérimental présenté ci-dessous :
a. Le réflexe inné de salivation
Chaque fois que l'on dépose quelques gouttes de solution acidulée sur la langue d'un chien, il salive: c'est la réponse automatique et innée à un stimulus (ici la solution acidulée). Elle se produit chez tous les chiens, même privés de leurs hémisphères cérébraux. Ce réflexe, comme tout réflexe inné, fait intervenir :
- un récepteur sensoriel (les papilles gustatives de la langue),
- un centre nerveux (le bulbe rachidien),
- un effecteur (les glandes salivaires),
- des voies nerveuses centripètes et centrifuges (des fibres d'un ou plusieurs nerfs).
b. Le réflexe conditionnel correspondant
Les battements d'un métronome sont déclenchés quelques secondes avant qu'une goutte de solution acidulée soit déposée sur la langue du chien. Il y a immédiatement sécrétion salivaire : c'est la réponse réflexe au stimulus absolu que constitue la solution acidulée.
Répétons plusieurs fois l'association entre le signal sonore, habituellement sans action sur la sécrétion salivaire bien que l'organisme le perçoive (stimulus neutre), et la, solution acidulée (excitant absolu). Après plusieurs essais (en général de 5 à 10), l'émission du signal sonore suffit pour déclencher la sécrétion salivaire. Le bruit du métronome, initialement neutre vis-à-vis de la sécrétion salivaire, a constitué une condition de la réalisation de la réponse sécrétoire. Au cours du conditionnement, il est devenu capable de déclencher, à lui seul, la sécrétion salivaire. Le signal sonore est alors appelé stimulus conditionnel et la réponse comportementale obtenue est un réflexe conditionnel.
2. Modalités de mise en place du
conditionnement
Le conditionnement ne s'installe que si le
stimulus conditionnel précède le stimulus absolu (avec un écart de 30
secondes à 3 minutes).
Le son émis par le métronome, stimulus neutre
vis-à-vis de la sécrétion salivaire, n'est cependant pas totalement indifférent
pour l'animal. Celui-ci oriente la tête en direction de la source sonore.
Mais, après plusieurs répétitions, la réaction d'orientation disparaît par
habituation et c'est alors que s'installe la réaction salivaire.
Si les battements du métronome sont émis plusieurs
fois sans nouvelle association avec le stimulus absolu, la sécrétion salivaire
diminue rapidement d'importance puis disparaît.
Pour se maintenir, le réflexe conditionnel doit
donc être entretenu par une association régulière des deux stimuli.
Lorsque le réflexe est régulièrement entretenu, la reconnaissance du stimulus
conditionnel s'affine par rapport à des stimulus voisins; ainsi, l'animal est
capable de réagir à un stimulus de fréquence ou d'intensité parfaitement définie
(nombre de battements du métronome par exemple) alors que les stimulations de
fréquence ou d'intensité très voisines, d'abord efficaces, deviennent neutres
par rapport à la réponse réflexe.
3. Comment interpréter ce type de
conditionnement ?
L'analyse des expériences de Pavlov permet d'affirmer qu'une voie nerveuse
nouvelle est devenue fonctionnelle entre le récepteur du stimulus conditionnel
et l'effecteur (cellules sécrétrices de salive). Dans le cas pris ici comme
exemple, les hémisphères cérébraux interviennent dans l'établissement de cette
nouvelle voie nerveuse.
B. Le conditionnement dit « skinnérien » ou
«opérant »
En 1938, Skinner met en évidence un autre type de réflexe acquis. Prenons comme exemple le conditionnement d'un animal qui, appuyant sur une pédale, reçoit de la nourriture .
1. Expérience de conditionnement
Un chat est placé dans une enceinte riche en objets divers et qui comprend en
particulier un dispositif délivrant des aliments en quantité limitée chaque fois
que l'animal appuie sur une pédale. Il arrive qu'en explorant sa cage,
le chat appuie accidentellement sur la pédale et obtienne de la
nourriture. Les premières fois, le geste est fait par hasard ; mais très vite,
l'action est renouvelée et se produit avec une fréquence de plus en plus grande
grâce à l'effet de« récompense » que constitue la nourriture obtenue.
2. Conditions de mise en place du conditionnement «skinnérien»
Le comportement ainsi observé n'a pas de relation avec un réflexe inné
préalable; il n'est pas non plus la réponse à une variation de facteurs de
l'environnement. Après plusieurs répétitions, appuyer sur la pédale devient un
geste automatique dès que l'animal aperçoit celle-ci. Ce comportement se
poursuit un certain temps même en l'absence de récompense.
Pour se maintenir, le conditionnement doit être entretenu par association
périodique du renforcement « nourriture » et de l'appui sur la pédale.
Entretenu grâce à un renforcement intermittent, le conditionnement s'améliore
jusqu'à réalisation de la cadence la plus élevée possible.
3. Comment interpréter ce type de conditionnement ?
Comme dans le cas précédent, une liaison nerveuse nouvelle est devenue
fonctionnelle entre un récepteur sensoriel (l’œil qui voit la pédale) et
l'effecteur (les muscles moteurs de la patte qui appuie sur la pédale).
C. Caractères de ces deux types de
conditionnements
- Ils sont acquis, individuels et temporaires.
- Non entretenus, ils s'atténuent et disparaissent.
- L'un et l'autre conduisent, chez l'animal, à une réponse stéréotypée.
- L'un et l'autre nécessitent la création d'une nouvelle liaison
nerveuse fonctionnelle entre organes récepteurs et effecteurs intervenant
dans la réponse conditionnée.
Les liaisons nerveuses nouvelles ainsi créées dans les centres nerveux sont
toujours très complexes. Pour certains conditionnements soit de type pavlovien,
soit de type skinnérien, le cortex cérébral paraît nécessaire à leur mise en
place; dans d'autres cas, les centres nerveux sous-corticaux suffisent à
l'établissement de la réponse conditionnée.
- Lorsque les voies nouvelles sont devenues fonctionnelles, l'activité réflexe
se déroule sans effort et même souvent chez l'homme « sans y penser ».
Ces voies nouvelles, sélectionnées dans les premières phases de l'apprentissage,
souvent empruntées par la suite, deviennent progressivement de plus en plus
faciles à parcourir par l'influx nerveux et permettent des comportements
automatiques. - Dans le cas du conditionnement pavlovien ou « répondant
», l'animal subit le milieu, il « répond » à des stimulations issues de
l'environnement; dans le cas du conditionnement skinnérien ou « opérant »,
l'animal agit sur le milieu, il « opère » une modification de celui-ci, le
transforme dans un sens qui lui est favorable grâce au renforcement.
D. Conditionnement et apprentissage
Alors que le conditionnement est une situation expérimentale de
laboratoire, précise, limitée, bien définie, l'apprentissage représente
l'acquisition réalisée progressivement tout au long de la vie ; difficilement
analysable, il est le résultat de multiples conditionnements, certains de type
pavlovien, d'autres de type skinnérien. Chez l'animal, à cet apprentissage,
peut s'ajouter un dressage .
Chez l'homme, l'apprentissage permet notamment :
- l'acquisition d'automatismes (conduite d'une automobile, équilibre sur
une bicyclette, gestes de l'écriture ... ),
- la mise en place des moyens de communication entre individus (parole,
écriture, lecture ...
- l'élaboration de «signaux de bonne conduite» intervenant habituellement
dans les rapports sociaux : saluer, dire merci, faire un sourire
conventionnel...
Mais, alors que le comportement animal semble pouvoir se réduire pratiquement à
une multitude d'apprentissages, un homme peut décider de ne plus se conformer à
certaines règles apprises, manifestant alors un comportement volontaire
contrôlé par la conscience.
Qu'ils soient innés
ou le résultat d'un apprentissage, les réflexes sont des réactions
involontaires, automatiques, répondant à un stimulus. Un acte réflexe fait
intervenir un récepteur du stimulus, un centre nerveux, un organe effecteur et
les voles nerveuses qui établissent la liaison entre ces différents organes.
Dans le réflexe inné, cette liaison est permanente. Dans le réflexe
conditionnel, elle est le résultat d'un apprentissage, elle est généralement
temporaire. Le plus souvent les mouvements réflexes s'enchaînent et donnent
naissance a des comportements automatiques tels que la marche ou l'écriture.
Ils exigent donc une coordination complexe assurée par le centre réflexe qui
intègre toutes les informations qu'il reçoit et organise la réponse. Il existe
un grand nombre de réflexes innés et conditionnels. Les réflexes innés, fixés
héréditairement, sont caractéristiques d'une espèce. Ils sont indispensables à
la vie de l'individu, assurant aussi bien la locomotion, le maintien de la
station debout de la posture, que la protection du corps (protection de l’œil
par fermeture des Paupières, gestes de fuite devant un danger... ou certaines
régulations et mouvements vitaux (mouvements cardiaques...).Les
réflexes conditionnels, acquis au cours de l'existence d'un individu, jouent
également un rôle considérable; ils permettent l'adaptation au milieu et
libèrent le cerveau de certaines tâches.
Extrait de BIOLOGIE 1ère AB Collection TAVERNIER, BORDAS